Si vous regardiez attentivement en bas des pages de ce blog, il y avait un bouton
Flattr. Pourquoi ? À quoi servait-il ?
Un des problèmes les plus difficiles du Web
est la rémunération des créateurs. Cette
rémunération est importante, non pas que je craigne que le Web diminue
dramatiquement de taille si on ne payait pas les créateurs (la plupart
ne sont pas payés aujourd'hui et le Web est quand même très gros) mais
parce que je trouve que c'est une question de justice : créer du
contenu intéressant prend du temps, de la compétence et des efforts,
et il est normal d'avoir une rémunération pour cela. Aujourd'hui,
quelles sont les possibilités de rémunération pour un blogueur ? Il y en
a plusieurs, que certains blogueurs combinent. (Je parle du point de
vue du blogueur car c'est celui que je connais bien mais la presse en
ligne, par exemple, a un problème très proche, regardez ce que propose reflets.info.)
Il peut faire cela le soir en dehors du temps de travail. Cela
limite évidemment la quantité et la qualité de la production : le
soir, les prolétaires sont fatigués.Il peut avoir un patron compréhensif, voire encourageant, qui
le laisse bloguer pendant le travail, ou même le paie pour cela. C'est
évidemment fragile car l'employeur peut changer d'avis.Il peut trouver un mécène, un riche qui va donner de l'argent à
une association ou une personne pour leur permettre de bloguer. Cela
ne va pas forcément dans le sens de l'indépendance du
blogueur...Il peut être un riche oisif, à qui un
héritage non mérité permet de bloguer sans
travailler. Le principal problème est qu'il faut une vieille tante
riche sans enfants.Il peut mettre de la publicité sur son blog. Cela ne rapporte
pas tant que cela, cela insupporte les visiteurs (la publicité est
l'une des plaies de la société) et, au lieu d'être
dépendant d'un mécène, on l'est d'une régie
publicitaire.Il peut faire payer
l'accès à son blog, via un abonnement. Je n'ai pas de problème moral contre cela mais un
gros problème pratique : cela rend difficile ou impossible le partage
de contenu, qui est quand même à la base du Web. Envoyer un simple
lien à des amis devient impossible, si on est
abonné à ce site et qu'ils ne le sont pas. Et puis, c'est lourd de
s'abonner pour un blog qu'on ne visitera que de temps en temps.Il peut enfin demander des contributions volontaires, comme les
chanteurs dans le métro. Mais on se heurte alors au problème du manque
de moyens techniques pour permettre des petits paiements simples,
rapides et où on ne laisse pas sa chemise en frais de
transaction. C'est cette dernière voie que j'ai choisi d'explorer,
d'abord avec Flattr.
Le principe de Flattr est le suivant : on s'inscrit sur leur site, on peut alors recevoir des
« flattrs » (des flatteries ?) et, si on a déposé
des fonds, en envoyer. Pour déposer des fonds, on a droit aux
classiques cartes de crédit, à
PayPal et même aux
bitcoins. Lorsqu'on se promène sur un site Web
et qu'on voit le bouton Flattr, on clique dessus, et le titulaire du
bouton est « flattrisé » et verra son compteur augmenter. Au-delà
d'une certaine valeur, il pourra même retirer des fonds. Cela marche
aussi, sans avoir à ajouter de boutons, pour des services comme
GitHub (quand un utilisateur de Flattr
« starre » un dépôt, son titulaire est
« flattrisé »). Ainsi, en novembre 2013, j'ai gagné
pas moins de 0,19 € uniquement avec Twitter (chaque mise en favori « flattre »).
J'ai donc décidé de sauter un pas et de tenter Flattr sur mon
blog. (Cela a posé des problèmes techniques avec le format XHTML de mon blog,
le code du bouton proposé par Flattr n'étant pas compatible.) Ouvrez des comptes Flattr, déposez-y un peu d'argent et, si un
article vous plait, cliquez sur le bouton Flattr en bas, je vous
remercie d'avance.
Je n'utilise plus le bouton par défaut de Flattr : il fait systématiquement une requête vers les
serveurs de Flattr pour chaque visite. Cela peut poser des problèmes à
certains de mes visiteurs, de se voir ainsi suivis par
Flattr. Je l'ai donc remplacé par un bouton statique
qui ne charge rien si on ne clique pas.
Je ne suis pas du tout juriste, mais, a priori, je suppose que je
vais devoir déclarer mon compte Flattr comme compte à l'étranger (pour
ne pas faire comme Cahuzac) et qu'il faudra que
j'intègre mes gains Flattr (dont je ne pense pas qu'ils seront
colossaux...) dans ma déclaration de revenus. Sur la
fiscalité des dons en
France, Éric D. suggère ses
articles « Un don, ça se
déclare comment ? » et « Et si… oui mais
en fait non. » dont les conclusions sont assez pessimistes (la
fiscalité ne permet pas de faire des microdons simplement). La
documentation officielle est en
ligne et est manifestement conçue uniquement pour un petit
nombre de dons importants (et uniquement
entre gens qui se connaissent, oubliant les dons par des inconnus), pas par beaucoup de microdons, sans pour
autant exclure explicitement les dons en dessous d'un certain
montant. Enfin, les dons ne sont pas imposés comme des revenus
(taxation progressive, avec un taux qui augmente avec le revenu) mais
d'un taux fixe, et colossal (60 %). En
pratique, il n'y a pas de problèmes aujourd'hui parce que tout cela se
passe « sous le radar » (les gens qui touchent 10 € par mois avec
Flattr ne le déclarent pas et le fisc a autre chose à faire que de les
poursuivre) mais si ce mécanisme de financement de la création se
répandait, il y aurait de vrais problèmes fiscaux. Autre possibilité,
les déclarer comme revenus non commerciaux, comme c'est apparemment
possible
pour les bitcoins. Sinon, les gens de Tipeee (un autre système de rémunération, basé en France) ont fait une page très détaillée sur le sujet.
Et est-ce que Flattr n'a pas des défauts ? Si, certainement, commission trop élevée, système centralisé... Il y a eu une bonne discussion sur SeenThis sur ces sujets.
Autres articles sur Flattr et les microdons :
« Ce besoin de reconnaissance »« Flattr-ies et
Kurbettes » qui explique bien le fonctionnement de Flattr et note que les chances de vivre uniquement de « flattries » sont limitées (mais, personnellement, je n'en demande pas tant).« La monnaie électronique, 33 questions à Lionel Dricot (alias Ploum) », à propos de Flattr et Bitcoin.
En pratique, Flattr a été un échec, je n'ai presque rien reçu par ce biais
et j'ai donc finalement supprimé le bouton.